« Femme / homme, notre identité sexuelle en question » – Introduction

Le Café Psy du 06.03.14

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Nous parlons ce soir d’identité sexuelle, c’est à dire de la façon dont nous nous sentons femme ou homme. A ne pas confondre avec la sexualité, hétérosexuelle, homosexuelle, ou bissexuelle. Pour nous, identité sexuelle et sexualité ne sont pas obligatoirement corrélées.

Se savoir « fille » ou « garçon » est une construction qui, bien sûr, s’ancre dans le biologique, mais se modèle aussi à partir des figures parentales et des schémas proposés par la société. Le regard de l’autre, ce qu’on entend dire de son sexe, du féminin et du masculin, les élans qu’on éprouve, la façon dont ils sont reçus… tout cela fonde tout au long de la vie notre sentiment d’appartenance à un genre féminin ou masculin.

Les premières phases de décryptage du génome humain nous montrent aujourd’hui que l’homme et le chimpanzé possèdent un patrimoine génétique de base, commun à 98,4 %, ce qui laisse 1,6 % de différence seulement… Or, on sait également qu’il y a environ 5 % de différence génétique entre l’homme et la femme . Ainsi, un homme mâle est physiologiquement plus proche d’un singe mâle que d’une femme ! 
… Et donc, naturellement, les femmes sont plus proches des guenons que des hommes !

Nous nous occuperons peut-être des chimpanzés lors d’un prochain Café Psy, mais pour l’heure, voyons ce qu’il en est des humains et de leurs différences. L’inconscient est bisexuel, on le sait depuis Freud. Mais le corps ? Les recherches actuelles en biologie nous indiquent que la « femellité » est l’état spontané de base de tous les embryons. Au commencement sont donc… les filles ! La masculinisation intervient avec l’apparition des hormones au cours de la vie foetale.

Après la naissance, l’identité, quels qu’en soient les aspects, se construit d’abord en miroir avec l’autre, puis dans ses attentes. C’est à dire que, pour devenir lui-même, l’enfant s’efforce d’abord de devenir comme l’autre, le plus souvent la mère, son premier objet d’amour, puis, pour garder son amour, de répondre à ses demandes. Si la première identification en miroir se fait avec la mère, le garçon doit donc se dégager de l’état primaire de fusion avec sa mère. Il doit se désidentifier pour accéder à son identité masculine. Alors que la fille, elle, doit se séparer. Nous y reviendrons.

Comment se différencie-t-on en tant que garçon ou fille ? Le corps est marqué par sa différence anatomique. C’est la première caractéristique distinctive, la première identification attribuée par les parents, dès la naissance, et même avant depuis l’invention de l’échographie.

L’identité sexuelle se construit donc d’abord et avant tout avec le corps mais s’inscrit aussi dans le discours parental. « Tu es un garçon, tu es une fille » Cette identification déclenche des fantasmes chez les parents qui vont émettre des messages conscients et inconscients sur ce que signifie être un garçon ou être une fille. Certains avancent même que ces messages priment sur le biologique. Cette réalité biologique va en conséquence être vécue de façon subjective d’après les premières expériences de vie. La petite fille, pour « habiter » son sexe, doit être valorisée en tant que fille, le garçon en tant que garçon. Si, par exemple, une fillette a l’impression qu’on ne s’intéresse pas à ses jeux de filles, elle n’aura aucune satisfaction narcissique à être de son sexe. Elle pourra alors soit adopter à outrance les signes de féminité, soit devenir un garçon manqué afin de coller à ce qu’elle aura ressenti du désir de ses parents.

Les différences anatomiques sont chargées de significations et de représentations associées, liées à la culture et à l’environnement. Confronté à tous ces messages, certains explicites et nommés, d’autres implicites, l’enfant tente de s’approprier son corps et d’intègrer dans son imaginaire les expériences ressenties physiquement. Pour cela, il a besoin des adultes. Ce sont eux qui interprètent les signaux émis par le corps de l’enfant et leur donnent sens. Par la suite, c’est sur cette base que l’être humain comprend ce qu’il ressent. Base qui peut être saine, ou pas. Juste, ou pas.

La différence anatomique des sexes est la toile de fond de l’identité sexuelle. Aux alentours de 2 ou 3 ans, l’enfant découvre que son sexe est différent de celui de l’autre. Plus exactement, l’un en a un, l’autre pas. Car celui de la fille n’est pas visible. Le petit garçon imagine très couramment que son sexe peut lui être enlevé ou coupé, et, la petite fille, qu’un pénis pourrait lui pousser ou qu’on lui a retiré celui qu’elle avait. Il est donc important d’expliquer aux enfants leur vérité anatomique pour éviter les angoisses liées à ces fantasmes.

Chez les petits garçons : Le pénis est le support essentiel de différenciation d’avec la mère. Le pénis est vécu comme un attribut de puissance par identification au père. De ce fait, c’est une angoisse de castration, de privation de sa puissance, qui pousse le garçon à combattre son désir de fusion et d’identification première, féminine. Il est le vecteur de l’individuation.

Chez les petites filles : Le processus est totalement autre. L’enjeu est la séparation. En l’absence de différence anatomique, la mère idéalisée risque de rester l’objet d’identification. Car sans la nécessité de se différencier, comment résister à la tentation de la fusion ? Ce qui reviendrait à fonder son identité féminine sur une relation de symbiose, donc de soumission, donc de passivité. C’est donc à la mère de pousser sa fille à l’individuation. De plus, le sexe féminin dissimulé complique l’apprentissage identitaire de la petite fille. Si c’est la vue de son pénis qui permet au garçon de comprendre qu’il est différent de sa mère, il ne peut en être de même pour la petite fille. Dans l’apprentissage de son corps féminin, ses sensations peuvent même se révéler angoissantes puisqu’elles sont plus diffuses et non reliées à un objet visible et identifiable. Sans compter que beaucoup de parents, encore aujourd’hui, font peser un interdit sur l’exploration par le toucher et ne parle pas de « ces choses là » avec leurs enfants, encore moins avec les filles. Il est donc important de dire aux petites filles qu’elles ont un sexe, mais qu’il est différent de celui des garçons, qu’il est intérieur et qu’il a une autre forme.

Parvenus à l’âge adulte, pour les hommes comme pour les femmes, bien des combinaisons sont possibles dans le vécu de leur identité masculine ou féminine.

Chez les femmes, on peut trouver les femmes-mères et les femmes-enfants qui prolongent toute deux leur lien à la mère dans leur vie de femme. Ou encore celles dont l’identité féminine repose sur le refoulement d’une sexualité vécue comme nécessairement débordante. Celle, plus combative, dont l’identification au père a servi de défense contre une mère parfois toute-puissante. Mais il y a aussi celles qui vivent une part masculine sans renoncer à leur féminité, essayant de concilier, par exemple, carrière brillante et vie de femme et mère.

Chez les hommes, on trouvera celui qui se veut fort, qui ne pleure pas, ne baisse jamais les bras, et mène en réalité une lutte inconsciente pour ne pas revenir à ce stade de bébé indifférencié de sa mère, sans sexe identifié. Le macho, contrôlant les femmes pour échapper en fait à tout risque de soumission à sa mère abusive. Celui qui assume une part féminine et pour qui dépasser le besoin compétition n’équivaut pas forcément à une castration.

Ces exemples ont un côté volontairement stéréotypé. Ils ont surtout pour objet de vous inviter à regarder la façon dont vous, vous habitez votre identité de femme ou d’homme.

Christine Jacquinot et Marie Marvier

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