Le changement, c’est tout le temps ! – Introduction

Le Café Psy du 04.09.14

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On ne peut pas ne pas changer. Si l’on observe notre environnement et nous même, on voit bien que tout est changement permanent : tout ce qui vit, c’est à dire la nature, mais aussi nos représentations mentales, nos sentiments, nos goûts, les organisations sociale ou politique, les cultures, les valeurs… La question est : comment changer ? Et pourquoi ? Au double sens de « pour quelle raison », et « dans quel but ». Ce qui revient à examiner le concept même de changement.

Une évolution permanente

S’agit-il de changer pour atteindre un modèle idéal qui nous offrirait enfin la sensation d’ « y être arrivé » ? Ou bien d’accepter l’idée d’une évolution permanente, sans autre fin que la mort, avec pour seule ambition que ce changement se laisse porter en fonction de nos objectifs et de nos valeurs véritables ? Sans oublier que ces derniers changent également ! Autrement dit, changer serait accepter d’évoluer sur des sables mouvants en intégrant par avance le fait que, sitôt atteint un but, il s’évanouit pour en créer un nouveau. Pour paraphraser Lao Tseu : « Le but ne serait donc pas seulement le but, mais le chemin qui y conduit. » On pourrait dire aussi que, paradoxalement, le changement intervient justement lorsque l’on renonce à le contrôler. Comme le dit Perls « vouloir changer est le plus grand obstacle au changement. »

Le choix qui s’offre à nous n’est donc pas « changer ou ne pas changer », mais « subir ou choisir les axes de nos changements et la façon dont on s’y prendra ».

Ce soir nous allons parler plus précisément du changement interne. Soit qu’il soit amorcé en psychothérapie, soit qu’il soit généré par des évènements – des changements – de vie. Parce que bien entendu, tout changement important dans nos vies nécessite au minimum des réaménagements psychiques.

Pourquoi changer ?

Changer, affirme Jean-Bertrand Pontalis, « c’est d’abord changer de point de vue sur soi, sur les autres. Et cette mutation fait que, percevant le monde autrement, on y vit différemment. » Mais il ne s’agit pas seulement de changer « contre » quelque chose qui nous fait souffrir. Il convient aussi de s’interroger sur le « pour » : qu’espérons-nous atteindre par le changement ? Le changement s’impulse dans une insatisfaction ou une souffrance, dans le décalage une situation vécue, voire subie, et une situation voulue, espérée, voire même rêvée. Dans notre métier, nous parlons d’écart entre le moi et l’idéal du moi.

Parfois, c’est un changement interne qui précède le changement de vie, et parfois c’est l’inverse : ce sont les changements de vie – divorce, enfant, licenciement, retraite -qui génèrent des remaniements internes.

Pourquoi résiste-t-on ?

Pourquoi est-t-il si difficile de changer ? Quelle est cette force d’inertie qui, contre toute logique, nous tient éloignés de notre propre épanouissement ?
 L’inconscient est fourbe. Alors que le conscient veut se transformer, évoluer, sortir de vieux shémas de comportements, l’inconscient lui, renâcle.

Dans un premier temps, nous devons déjà tenir compte de l’homéostasie. De quoi s’agit-il ? De la tendance physiologique et biologique de tout organisme vivant à conserver son équilibre en dépit des contraintes de son environnement. Autrement dit, tout changement induit un déséquilibre, en l’occurence pour ce soir, un déséquilibre psychique et comportemental. Donc notre inconscient n’aura de cesse de mettre en place des stratégies visant à éviter les changements que désire notre conscient.

En effet, il ne suffit pas de vouloir changer pour y parvenir. Freud l’affirmait déjà, nous tenons plus à nos névroses qu’à nous-mêmes. Certaines expériences douloureuses de l’enfance nous ont amenés à mettre en place des mécanismes de défense qui nous protègent de l’anxiété et de la dépression, mais limitent nos capacités d’épanouissement. Ces mécanismes constituent quasiment un scénario de vie, comme une sorte de programme incluant fonctionnement interne, croyances, valeurs, et comportement. Ce programme nous conduit parfois à nier la réalité de nos pensées et de nos émotions, et à faire des choix contraires à nos besoins profonds. C’est ainsi que nous nous enfermons dans un système de répétitions qui nous fait souffrir. Mais la résistance au changement c’est aussi, tout bêtement, la peur de l’inconnu. Le besoin de sécurité en arrive à nous faire tenir à nos souffrances parce qu’elles sont connues donc quelque part sécurisantes.

Comment change-t-on ?

Mais du coup, comment change-t-on ? Il s’agit d’abord et avant tout d’un processus qui commence par du mal-être, souffrance, parfois jusqu’à la prise de conscience de l’absurdité d’un comportement ou d’une situation, changer provient toujours d’une nécessité, d’un besoin absolu de rupture. Cela implique un renoncement à notre état précédent, qui était difficile mais connu.

Il s’agit maintenant de prendre la responsabilité de notre vie et, par exemple, dire adieu à ce mécanisme de défense assez répandu qui consite à attribuer aux autres (patron, conjoint, parents, enfants, malchance…) la responsabilité de nos difficultés. Accepter cette responsabilité est à la fois angoissant et porteur d’espoir.

Changer passe donc par des prises de conscience, du lâcher prise de pensée et d’émotions, et parfois par des expérimentations de nouveaux comportements.Changer prend du temps et génère de l’inconfort. Nous ne pouvons faire l’économie d’une période de perte de repères avant la reconstruction. Lorsque certains de mes patients abordent cette phase difficile, qui peut même parfois ressembler à un épisode dépressif, je leur propose cette métaphore : c’est comme si vous aviez décidé de ranger vos placards. Vous les videz et toutes vos affaires se retrouvent éparpillées dans un désordre encore plus grand qu’avant. Vous pouvez même avoir le sentiment que vous n’y arriverez jamais. Puis vous prenez un teeshirt après l’autre et vous réorganisez le tout petit à petit. Ce n’est qu’une fois fait que vous ressentez le bénéfice de ce grand rangement.

Et de fait, qui s’est déjà senti changer en « temps réel » ? C’est toujours dans l’après-coup que l’on réalise qu’il y a eu transformation -d’un comportement, d’une pensée, d’une croyance, d’un sentiment…-, jamais au moment où elle se produit.

Un processus

On pourrait dire, pour conclure, que changer, c’est accepter des paradoxes, dont le plus critique est celui du lâcher prise. En effet, contrairement à une croyance très répandue, aucun effort de volonté ne peut nous changer. Le changement se produit lorsque nous y sommes prêt, que nous le désirons et que nous en sommes capables. Autrement dit, il s’agit d’intégrer le fait que c’est un processus, qu’il faut l’accepter comme tel, et que, comme le souligne la pensée zen : c’est en oubliant la cible que nous pouvons l’atteindre.

Christine Jacquinot et Marie Marvier

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