Envie, désir ou jalousie ? – Verbatim

Le Café Psy du 05/02/15

blanche neigeBonheur

« Je n’ai jamais ressenti d’envie ou jalousie pour ce qui est matériel. Je vois des gens plus riches, je suis très heureux pour eux. En revanche ce qui relève du sentiment, je pourrais être envieux du bonheur des autres.»

Réussite

« Pour que j’éprouve de l’envie, il faudrait que quelqu’un ou quelque chose me manque à moi. Pour l’instant je ne vois pas. »

« Quand j’avais un boulot bien payé, je sentais une forme d’envie de la part des autres. Maintenant que je n’ai plus de statut de pouvoir, moins de gens qui envient ma situation. »

« Au niveau matériel, je suis contente de ce que les autres possèdent. »

Beauté

«Une de mes sœurs a tendance, comme moi, à se dévaloriser. Lors d’une visite touristique, on était littéralement sous le charme de la guide. Elle était d’une telle classe, d’une telle élégance et d’une culture tellement hallucinante, qu’on est sorti de la visite très en colère ! On savait qu’on ne serait jamais comme elle, c’était trop tard! »

« Quand je vois une femme ou un homme d’une beauté absolue, je trouve cela insupportable. Je ressens une fascination et très vite c’est l’envie qui surgit. Je me guéris en me disant que cette personne doit sûrement souffrir au quotidien. »

« Se dire que les gens trop beaux doivent souffrir, c’est une façon de refouler. On espère au fond, que s’ils sont beaux, ils ne vont pas en plus être heureux. Cela a pour fonction de nous rassurer.»

« Il y a une pub Dior avec une mannequin sublime. Je me dis que si j’avais eu ce physique-là, ma vie n’aurait pas été pareille. »

Le Café Psy : « L’envie n’existe qu’envers des gens proches auxquels on peut s’identifier. Pour les autres, les trop beaux, trop riches, trop célèbres, on est plutôt dans l’idéalisation. ils sont trop loin de nous, on n’a pas envie de de tuer pour ça. »

Société

« C’est dans l’air du temps aujourd’hui, l’envie. J’ai le sentiment que les gens passent leur temps à faire le compte de ce qu’ils ont et de ce que les autres ont. »

Le Café Psy : « Au moment des manifestations contre le mariage homosexuel, ça n’enlevait rien à ceux qui manifestait. Ils peuvent continuer à se marier ou pas. On pourrait imaginer que pour certains, il y avait de l’envie dans le fait que les homo affichent une liberté sexuelle et une liberté manifestée. On parle ici de l’envie de la liberté de l’autre. »

« L’envie est un produit de consommation ».

Le Café Psy : « Dans un de ses articles sur notre société moderne et son système d’affichage, renforcé par les réseaux sociaux, Gaulejac explique qu’il s’agit d’un système de comparaison. L’envie se situe dans la comparaison qui humilie. L’image amène à comparer, elle génère de la frustration et l’envie de déposséder l’autre de ce qu’il a. »

Relations amoureuses

« Je ne me suis jamais sentie aussi humaine qu’en étant très jalouse dans mes relations amoureuses.»

« En amour je n’ai jamais culpabilisé d’être jalouse. Par contre avec l’envie je ne me sens pas bien, cela ne me plait pas. »

« A l’époque de mon premier amour, j’ai passé une partie de la nuit dans la cage d’escalier à attendre car elle avait un rendez-vous avec son ex. J’ai tellement souffert, qu’une partie de moi s’est jurée de ne pas remettre en route cette machine folle. C’est terrible, la jalousie car ça se nourrit. Tu deviens très malheureux de ce que tu es. »

Le Café Psy : « La jalousie se nourrit d’elle-même : « La jalousie est un monstre aux yeux verts qui se nourrit de ce qu’elle produit » (Othello, Shakespeare)

« Si on vous a pris quelque chose, même si parfois on ne vous a rien pris, on peut être jaloux, c’est normal. »

Le Café Psy : « Il y a des hommes qui enferment leur femme car ils ont peur de la perdre. On est dans le registre des perceptions. Les faits peuvent ou non correspondre aux perceptions. L’amour est un lieu possible de jalousie et c’est plus accepté que dans d’autres domaines. Un homme équilibré affectivement, s’il voit quelqu’un draguer sa femme et qu’il sent qu’elle aime ça, il va être jaloux. Un homme jaloux maladif va voir chaque homme comme quelqu’un qui va lui voler sa femme. »

Insécurité

« J’y vois une notion d’insécurité. Est-ce que les gens très sécures peuvent ne pas éprouver de jalousie? »

Le Café Psy : « La tendance c’est que plus les gens sont sûrs d’eux, moins ils sont exposés à la jalousie. Mais peu de personnes n’ont jamais ressenti le picotement de la jalousie. »

« J’ai toujours pensé que ma jalousie était liée à mon insécurité affective. »

« Pour moi être jalouse, c’est se dire que je suis meilleure que l’autre ou que je peux lui apporter plus. »

« Je suis rentrée dans la vie adulte très tardivement d’un point de vue affectif. J’étais peut-être dans une situation d’évitement pour éviter la souffrance que peut susciter l’envie ou la jalousie. »

Enfance

« Mes parents avaient une préférence affichée pour ma sœur. Si je ressentais de la jalousie, c’est que je devais penser qu’elle me prenait une part de leur amour. Pourtant je ne pense pas qu’elle voulait me piquer l’amour qu’ils avaient pour moi. Je me disais, le problème ce n’est pas l’amour qu’ils portent à ma sœur, mais l’amour qu’il ne me porte pas. »

« Je pense que j’aurais pu être jaloux de mon frère jumeau. Mais pour ma sœur qui est arrivée après, je fais l’hypothèse, qu’à l’époque, l’amour que mes parents me portaient à moi n’était pas de la même nature. »

Le Café Psy : « C’était peut-être de l’envie. »

« J’ai été terriblement jalouse de ma sœur, et je le suis encore aujourd’hui. Est-ce que c’est de la jalousie ou de l’envie, je ne sais pas vraiment. Ma mère l’a toujours idolâtrée car elle était très belle. »

Le Café Psy : « Si l’objet c’est la mère, il s’agit de l’envie. »

« J’ai été élevée dans une famille où le garçon était très chéri. C’était lui qui faisait tout bien, et moi, je ne faisais que des bêtises. A chaque fois qu’il y avait quelqu’un de nouveau dans la famille, j’avais l’impression que je n’existais plus. La jalousie a été une telle souffrance que j’ai eu besoin d’une aide psychanalytique pour ne plus me mettre dans ce genre de situation. »

Le Café Psy : « Entre frères et sœurs, ce qui peut se produire c’est que l’aîné va être jaloux du petit car il prend une part de l’amour de sa mère qu’elle n’avait jusqu’alors que pour lui. Le petit, lui, serait plutôt dans le registre de l’envie vis-à-vis de ses frères ainés. On ne lui prend rien par contre, il est dans l’envie de tous les privilèges qu’ont les plus grands. »

Susciter l’envie

« J’ai du mal à savoir si j’ai déjà ressenti de l’envie mais je me souviens de celle de mes frères vis-à-vis de moi dans mon enfance. »

Le Café Psy : « Il est intéressant de voir si dans notre vie, on a déjà été envié. Quand on n’a pas assez d’estime, on ne comprend l’agressivité de l’autre à notre égard. Si l’on accepte l’idée d’être envié, c’est que l’on accepte l’idée d’être enviable. »

« J’ai des amis qui sont allés au ski. Quand ils sont rentrés de vacances, ils ont minimisé leur joie en se plaignant de certains désagréments du voyage. Ils ont minimisé car ils avaient peur de créer de l’envie. »

« Ma copine part en Thaïlande, elle met plein de photos sur Facebook. Au début tu likes et au bout de trois semaines ça te gave! (rires) »

Le Café Psy : « Dans notre éducation, il est prévu au programme de ne pas trop susciter l’envie : « Pour être heureux vivons cachés ». Alors que sur les réseaux sociaux, la tendance c’est de se montrer. Cela crée une contradiction et un conflit chez la personne. »

Dépossession

« J’ai compris un jour qu’un de mes proches amis, dont j’avais été le témoin à son mariage, m’enviait professionnellement. J’ai découvert que cette amitié n’était construite que sur l’envie. Il m’a fait les pires trucs. Il était prêt à tout pour me démonter quand je pouvais le dépasser. Il n’était pas tant question pour lui d’avoir ma vie mais surtout de me retirer la mienne.»

Le Café Psy : « La dépossession est à la source de l’envie. Pour l’enfant la seule manière d’être sécurisé c’est d’avoir la mère. »

Attaquer et détruire

« J’ai un ami pour qui l’envie était tellement forte, qu’elle supprimait tout ce qu’il était. Elle lui enlevait tout désir car il n’était jamais assez par rapport à l’autre. »

Le Café Psy : « L’envie atteint la relation, pour ne pas dire toute la relation. Tant qu’on n’a pas conscientisé l’envie, une partie de nous veut inconsciemment attaquer l’autre, on se surprend soi-même de ses propres réactions. Une partie de la réaction est insupportable. »

« Au moment où mes trois filles étaient dans l’adolescence, j’enviais mes copines qui n’avaient pas d’enfants. Mais je ne les pas tuées pour autant ! »

Le Café Psy : « Il y a des moments pour certaines personnes où l’envie n’est plus régulable et là, c’est l’attaque. Cela peut-être subtile avec une pique dans une discussion jusqu’au terrorisme. Le terroriste agit sous une pulsion de destruction de ce que l’autre a et qu’il n’a pas.

« Je découvre que l’envie, la vraie, c’est quand même très destructeur pour l’autre. Je pensais que c’était plus innocent. »

Le Café Psy : « C’est tout sauf innocent quand elle n’est pas régulée. La société fait en sorte qu’il y ait une régulation. »

Mieux vaut être jaloux qu’envieux

« Mon père qui était avocat disait quand il y avait un procès pour meurtre passionnel que c’était du tout cuit car on pardonne plus facilement la jalousie. C’est plus acceptable. »

Le Café Psy : « La jalousie est un sentiment noble, c’est le drame dans toute sa splendeur. Il a quelque chose de légitime car quelqu’un vous prend ce qui vous appartient. Alors que dans l’envie, on est dans la destruction. Comme avec Blanche neige, elle est belle, elle n’a rien demandé à personne, et la belle-mère va la tuer par envie. Et pourtant la marâtre n’en sera pas plus belle, cela ne changera rien pour elle. »

« La jalousie, ça se comprend. L’envie c’est quand même plus moche, parce que le désir ça peut être sympa. »

Le Café Psy : « La pulsion d’envie est beaucoup plus réprimée que la jalousie. L’envie est particulièrement destructrice pour soi-même. La jalousie a tendance à passer. L’envie si on ne la travaille pas, elle s’intensifie et fait rétrécir le plaisir. Cela donne des gens qui détruisent tout autour d’eux. Il est justifié et légitime de ressentir tous les sentiments humains. La seule chose qui se discute et qui est répréhensible c’est ce qu’on en fait. L’envie peut même aller jusqu’à susciter de la rage car elle renvoie à l’impuissance. On constate ce que possède l’autre et qu’on pense ne pas avoir. Cela peut donner envie de passer à l’action pour décharger la tension et s’apaiser de la souffrance que cela génère. A travers ça, on culpabilise et on ressent de la honte car la société bafoue ce type de sentiment. Ne pas susciter l’envie est même un principe dans certaines cultures. » .

Honte

« C’est un sujet qui est dur à assumer. »

« Je n’ai jamais eu d’enfants, je le regrette mais je n’ai jamais été envieux. Quand je vois une famille avec des enfants, je suis très content. C’est tellement pécher d’envier ce bonheur qu’il doit y avoir un refoulement de dingue. »

« C’est difficile quand on interdit d’être envieux dans ton éducation. »

« La honte pourrait m’atteindre si je me mets dans un cercle vicieux où la jalousie me fait perdre tout jugement. Si j’ai l’impression de dépasser les limites, je ne me sens plus humaine. Pour moi il y aurait il y aurait la jalousie acceptable et celle inhumaine. »

Culpabilité

«Je ressens de la culpabilité quand je suis en rage contre ma sœur. Je le retourne sur moi après. J’ai eu de l’envie car elle était plus belle que moi, de la jalousie car ma mère la préférait et par-dessus le marché de la culpabilité. »

Le Café Psy : «Dans une famille, quand les enfants sont jaloux ou envieux, cela renvoie aux parents le fait d’être ou pas des bons parents. On se sent nous-mêmes coupables ; ce sont des phénomènes peu tolérés.  Cela fait écho à notre instinct grégaire, où à une époque si deux membres d’un même clan se battaient, il y avait risque d’explosion de la famille. Pour l’homme des cavernes, l’importance de la cohésion sociale du groupe était vitale contre les dangers réels. Ce risque n’est plus réel aujourd’hui. Mais depuis on réprime les sentiments qui peuvent générer de la haine et de l’agressivité. »

« Par rapport à l’éducation de mes enfants, je m’interroge du coup sur mes préférences, c’est culpabilisant. Par moment je préfère ceci chez l’un et cela chez l’autre. En même temps je les aime pour ce qu’ils sont. Je peux voir en tant que mère combien cela peut avoir une incidence sur les enfants ces sentiments d’envie et de jalousie. »

Le Café Psy : « En tant que mère, s’imaginer qu’un de nos enfants puisse être jaloux de l’autre est difficile. Dans beaucoup de famille l’idéal c’est que nos enfants s’entendent bien. Je vois souvent des parents qui sont très inquiets que leurs enfants ne s’entendent pas. Pour eux c’est comme s’ils avaient échoué sur quelque chose. Ca les questionne eux-mêmes. »

« Je pense que ma mère a construit cet idéal. Elle m’a toujours dit : « Ton frère qui t’adore ». La relation entre mon frère et moi n’a jamais été saine et on ne s’entendait pas mais elle l’a toujours nié. »

Le Café Psy : « On dénie la non relation entre les deux enfants et on reconstruit quelque chose à la place. On voit aussi l’effet inverse. Une patiente a une relation très conflictuelle avec son grand frère et ils font, tous les deux, tout pour que leur mère ne s’en aperçoive pas. Alors même qu’elle a été persécutée par son frère, elle n’en parle pas. Elle est enceinte et commence à envisager d’en parler. »

« Plus ma mère vieillit, plus elle a une façon de décrire une famille parfaite où tout le monde s’entend à merveille. »

« La mère de mes enfants a une préférence manifeste pour son fils versus sa fille. C’est difficile de voir sa fille avoir de l’envie pour son frère de façon justifiée. Mon option c’est d’essayer de rééquilibrer en lui donnant ce qu’elle n’a pas chez sa mère, ou, je maintiens une certaine équité mais j’instaure à ce moment-là un décalage constant. Cette histoire de préférence donne lieu à une insécurité fondamentale qui peut-être déstructurante. »

Sublimation

« Est-ce que l’idée de vouloir être un enfant parfait pour compenser l’envie d’être aimé est une sublimation? »

Le Café Psy : « Dans le domaine professionnel, il s’agit dans certains cas d’une sublimation quand la personne considère qu’elle a une revanche sociale à prendre. On envie la réussite de telle personne, cela donne l’envie de tout détruire. En voulant s’élever socialement, on sublime l’envie destructrice en une énergie constructive. On transforme le « Je suis envieux » en « J’ai envie ». C’est valorisé aujourd’hui dans la société. »

« Et qu’est-ce que le manque d’envie ? »

Le Café Psy : « C’est du manque de désir. Dans la première étape du soin thérapeutique, on fait en sorte d’accepter que l’on soit envieux. Reconnaître que je sens ne pas avoir cette chose enviée, que je me sens inférieur, c’est s’exposer à une déception narcissique. En être conscient, c’est déjà un gros travail. Accepter de dire que l’on est envieux c’est déjà se réconcilier avec ce manque. »

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