Sur les ailes du désir – Verbatim

Le Café Psy du 05.03.15

Tsunami_by_hokusai_19th_centuryDe la pulsion au désir

« Quant au lieu de manger le carré de chocolat, j’engloutis  la plaquette, je me sens très mal. Pour en arriver là, je me dis que je ne suis plus dans le désir mais dans le besoin. »

Le Café Psy : « Le désir est une pulsion que l’on a appris à gérer. Dans les premiers mois de la vie, le bébé n’est que pulsion. C’est la mère qui donne du sens aux sensations qu’il ressent. A force de nommer ses sensations et d’y apporter des réponses, elle va donner du sens, qui va faire que, petit à petit, les pulsions vont se canaliser et devenir du désir. Si la mère n’apporte pas de réponse suffisante, le bébé va développer des croyances autour du fait que les pulsions et désirs ne peuvent pas être assouvis. Au niveau inconscient, quand plus tard, l’enfant aura du désir, il croira qu’il n’existe pas d’assouvissement possible. »

« Peut-on façonner et éduquer le désir ? Peut-on hériter de quelque chose qui ne nous appartient pas ? »

Le Café Psy : «Sur tous les aspects, on hérite de choses qui ne nous appartiennent pas. Dans certaines situations, l’acquis est l’archétype de la transmission.  On ne peut pas éduquer les enfants au désir, mais on peut éduquer les parents à accepter le désir de leur enfant.  C’est parce que l’on reconnaît les pulsions de son enfant, qu’on ne cherche pas à les combattre, qu’elles vont pouvoir progressivement  devenir gérables et se transformer en désir. C’est pour cette raison que l’on dit que dans le désir, il y a l’autre. »

Petits désirs

« Pour moi un grand plaisir, c’est un petit carré de chocolat avec du sel de Guérande. C’est un plaisir sensoriel qui commence dès le moment où je me dirige vers la cuisine. »

Le Café Psy : « C’est une quête d’un moment sensoriel fort et intense qui nous ramène inconsciemment à un bonheur de complétude. C’est typiquement ce que l’on voit quand un bébé prend sa dernière gorgée au sein ou au biberon. Dans le désir, il y a le manque de cette première sensation de complétude. On le recherche dans les petits et grands moments de la vie. Le désir va vers le plaisir. »

« J’ai sucé mon puce jusqu’à 36 ans. Je retrouve cette espèce de plénitude. Ce moment-là m’apaise. J’ai arrêté le jour où j’ai décidé d’avoir un bébé. »

Un moteur

« Mes parents ont vécu ensemble pendant cinquante ans. Au décès de ma mère, on a cru que mon père ne s’en remettrait jamais. Mais il était nourri de désirs en permanence, du plus petit au plus grand. Je pense que c’est ce qui l’a maintenu en vie neuf ans après ma mère. »

« J’ai plein de désirs et le fait qu’ils soient insatisfaits me donne envie d’avancer. Les pires périodes de ma vie ont été celles où je n’avais pas de désirs. »

Peur

« J’ai peur de ne plus avoir de désirs. »

« J’ai peur de ne plus avoir envie de vivre si je réalise mes désirs. »

Le Café Psy : « Comme la plupart des peurs, celle de ne plus avoir de désirs est une croyance erronée. »

« Quand j’arrive à approcher mes désirs, j’arrête tout parce que j’ai peur. J’adore écrire et je ne vais pas au bout de mon désir. Une fois, j’ai retrouvé un ami d’enfance vivant au Québec. Le désir de se voir montait de part et d’autre. Et quand il m’a dit qu’il venait à Paris, je lui ai dit que je ne voulais plus le voir. »

« Dans le milieu professionnel, je me sens à l’aise et je vais jusqu’au bout de mes désirs. Et sur le plan personnel, je peux avoir des désirs et ne pas aller jusqu’au bout. Sans doute par peur de me planter. »

L’insatisfaction du désir

« L’inassouvissement, pour moi, fait partie du désir. »

« J’ai rencontré une fille il y a deux ans, avec laquelle je suis resté en contact plus d’un an sans que la relation n’est vraiment abouti. J’en ai beaucoup souffert. Quand j’ai réalisé que j’étais dans le fantasme et qu’elle était inaccessible, j’ai commencé à aller mieux. Cette relation était animée par l’insatisfaction. »

Le Café Psy : « L’insatisfaction du désir, c’est notre moteur même si ça ne nous rend pas plus heureux. Prendre conscience qu’une partie de notre désir se situe du côté de l’insatisfaction, c’est déjà un grand pas vers l’accès à ce désir. »

« On me dit souvent, sur un ton de reproche, que je suis une éternelle insatisfaite. Je crois que je vais repartir ce soir en me disant : « Je suis vivante ! » »

« Comment faire pour réconcilier ces deux désirs, un qui est satisfait et un insatisfait ? Il y a des domaines où ça fonctionne  et d’autres où non. »

Le Café Psy : « A un niveau conscient, on peut désirer obtenir une promotion et penser mettre tout en œuvre pour l’obtenir. Au niveau inconscient, c’est justement ce jour-là qu’on va oublier ce rendez-vous car, dans l’enfance, on a développé la croyance que son désir ne peut pas être satisfait. »

Désir inconscient

« J’ai créé un spectacle et j’aimerais beaucoup qu’il se joue à Paris. J’ai envoyé un mail au directeur du théâtre de Bagnolet en disant : «Il me semble que ce projet correspondrait tout à fait au théâtre de Genevilliers » J’ai relu plusieurs fois le mail et je n’ai pas vu cette faute. J’ai compris que mon désir n’était pas de jouer à Bagnolet. »

Le Café Psy : « Quand nous cherchons à contrôler notre élan de désir, c’est le désir profond, avec lequel on a parfois du mal à négocier, qui peut ressortir. On parle alors de lapsus. L’avantage du désir, c’est que le plus souvent, il nous rattrape. »

« Un désir peut en cacher un autre. »

Le Café Psy : « On appelle ça la sublimation. »

Souffrance

« Je désire, que ce soit des projets ou une personne, avec un certain degré de souffrance. Je dois faire partie de ces gens qui désirent des choses inatteignables. Par exemple, j’ai un désir fou et fascinant pour la beauté absolue, en même temps qu’il est douloureux de savoir que je ne l’aurais jamais. »

« Parfois je me protège de désirs trop forts qui me remettraient dans la souffrance. Je pense avoir quelque chose de naturel qui fait que mon désir, je ne le mets pas trop loin. »

Le Café Psy : « Au niveau de l’inconscient, c’est une mécanique bien huilée. Les personnalités masochistes se mettent dans cette situation de souffrance. Le travail en psychothérapie consiste à donner au patient un moyen de faire baisser son besoin de douleur pour accéder au plaisir. Cela nécessite un étayage suffisant en amont. »

« L’enfance a été terrible pour moi car j’avais l’impression que ça tuait mes désirs. »

Le manque

« Pour moi le désir fait partie de l’élan vital. Ne plus désirer quelque chose, ça ressemble à la mort psychique. Le désir c’est vivant. Se réveiller sans désir, c’est terrible. »

Le Café Psy : « C’est ce qui se passe dans la dépression. »

« Etre sans désir, cela ne m’est pas beaucoup arrivé. Je l’ai ressenti par moments mais c’est horrible. Cela me fait dire que désirer est un besoin. »

Le Café Psy : « C’est plus qu’un besoin, cela fait partie de notre nature. Sans désir, il n’y a plus de vie. Notre désir s’appuie sur le besoin. C’est parce que nous avons été programmé pour nous reproduire que nos pulsions sexuelles nous donnent du désir. »

« Désirer sexuellement n’est pas forcément lié à un manque. Je peux désirer sans manque. »

Le Café Psy : « Il s’agit sans doute d’un manque inconscient. Là où il n’y a pas de manque, il n’y a pas de désir. Dans le désir sexuel et dans l’état amoureux, on retrouve le manque premier, un état de plaisir et de symbiose. »

« J’ai des phases dépressives très fortes. C’est absolument atroce et douloureux de se réveiller le matin sans envie et sans désir. Quand le désir revient, c’est merveilleux et décuplé. Pour moi c’est la pulsion de vie qui revient, laissant la pulsion de mort qui pourrait me happer. »

« Le manque de confiance en soi peut toucher  le désir. »

Le Café Psy : « Le désir c’est un moteur, un propulseur. Dans notre éducation, il y a un ensemble d’interdits face au désir. Par exemple, la petite fille ne peut pas désirer son papa. Dans certaines familles, il est souhaitable d’avoir un désir de réussite sociale forte, dans d’autres le désir amoureux n’est pas accepté, ou celui d’être dans l’intime et le plaisir. C’est le travail versus  le plaisir. Nos désirs et la façon dont on les vit sont uniques. »

Reconnaitre son désir

« L’autre peut être un miroir pour moi vis-à-vis de désirs que je n’assume pas. »

Le Café Psy : « Le désir, c’est toujours l’autre. Dans la vie quotidienne, il est beaucoup plus simple d’attribuer son désir à l’autre plutôt que de le prendre sur soi. »

« Dans quelle mesure son désir est-il le sien propre ou celui d’un autre ?  Je fais le métier de mon père. Est-ce que je le fais juste parce qu’il en avait le désir et l’envie ? Cela ne m’a pas empêché de le faire avec beaucoup de désir. »

Le Café Psy : « On vit toujours mieux son désir si on sait où on se situe par rapport à lui. Si on fait ce travail par exemple, de regarder pourquoi mon père aime faire la cuisine et moi aussi, on peut voir que ça met du lien dans la relation. Ça donne un autre sens à cette activité, qu’on fera toujours avec un désir sincère. »

« Mon père était avocat et plus jeune, je pensais que je voulais faire le même métier. Au dernier moment, j’ai voulu être journaliste. J’ai retrouvé mon vrai désir tout seul. »

« Mon père a toujours été très en retrait. Quand ma mère est décédée, ça n’a pas été si dur pour lui, finalement. Ma mère devait être frustrante et pour la première fois, il est allé vers ses désirs propres. »

« J’ai complètement refoulé et oublié mon enfance. Mon père a une boîte de bâtiment et mes frères ont tous commencé à travailler dans l’entreprise familiale. A 17 ans, c’était à mon tour mais je suis parti. Mon plus vieux souvenir commence là. Mon premier désir commence au moment où j’ai quitté la boîte familiale. C’était le désir de mes parents que je travaille là, pas le mien. »

« Je trouve cela difficile d’avoir ses désirs propres et de ne pas répondre au désir d’autrui.»

Le Café Psy : « Pour certains, accepter d’être désirant représente un enjeu de vie. Cela nécessite de dire au revoir à la peur d’être dévoré par le désir et de ne plus contrôler. »

« On peut aussi avoir des désirs dévorants. »

Etre désiré

« Pendant des années, je voulais réussir professionnellement et rien ne se déclenchait. Ensuite j’ai rencontré quelqu’un et mon désir a changé. Mon désir, c’était seulement de coller ma tête sur son épaule. D’un coup, ça a bougé professionnellement. Mon objectif a été dévié. Le fait d’être désirée par quelqu’un et d’être amoureuse peut susciter le désir des autres. Il y a un système de vases communicants. »

« Il y a des couples qui veulent absolument avoir des enfants et qui n’y arrivent pas. Le jour où ils arrêtent d’essayer, ils y arrivent. »

« Je me vis plutôt comme acceptant relativement d’être désirant. En revanche être désiré, ce n’est pas toujours aussi simple et aussi léger. Je ne parle pas d’être un objet de désir, mais d’être désiré en tant que personne. Je me sens plus facilement désirant que désiré. »

Le Café Psy : « Du point de vue de l’être désirant, l’autre est un objet de désir. En tant qu’être désiré, il s’agit d’un sujet. Quand on désire l’autre, que l’autre soit une personne ou un objet, ce qui est l’autre est un objet. A partir de nous-même il n’y a qu’un seul sujet, c’est nous. Accepter d’être objet pour l’autre c’est accepter d’être sujet. »

Désir commun

« Est-ce qu’un groupe de personne peut avoir un désir commun ? »

Le Café Psy : « C’est la puissance de l’inconscient collectif. On agit mais on ne sait pas par quoi on est agi. On parle d’une entité qui est faite par plusieurs sujets. Il n’y a rien de plus régressif qu’un groupe. On y retrouve des choses très archaïques et ça peut déraper quand le désir devient de la pulsion. Le groupe peut générer un retour à la pulsion. »

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