Ado desperado ? – Verbatim

Le Café Psy du 01.09.15

Rockwell_1953_Girl-with-Black-EyeMétamorphose

« L’adolescence a été pour moi la métamorphose du corps. J’ai grandi d’un seul coup. J’avais l’impression d’être un alien. Arrivé au lycée, je me suis vu dans la glace et je ne me suis pas reconnu. C’était frappant. »

« Les premières règles, les seins qui poussent, les copains de papa qui commencent à me regarder, c’était d’une violence ! Je me disais : « Ce n’est pas possible, il y a un problème. » 

« La réalisation de la sexualité se passe à ce moment-là et forcément, c’est traumatique. »

« Je me souviens de ma mère qui me faisait faire des essais de soutiens-gorge et qui ouvrait grand les rideaux dans la cabine d’essayage. C’était un viol pour moi ! »

« La première éjaculation, pour moi, ça a été un traumatisme absolument gigantesque. »

Le Café Psy : « C’est cette métamorphose là qu’il faut psychiquement supporter. Puis toutes ces  modifications hormonales qui viennent changer la perception et l’apparence. Cette mutation, elle reste vraie quel que soit l’environnement. Après, elle est plus ou moins acceptée mais ça reste un état de changement. »

Crise et remaniements psychiques

« A l’adolescence, mes parents m’ont totalement interdit d’être dans une quelconque rébellion.  Aujourd’hui au contraire, avec mes enfants, je n’aspire qu’à une seule chose, c’est qu’ils se rebellent. »

« La crise d’ado, elle est bénéfique et nécessaire, elle permet de savoir qu’on peut sortir de la famille, y rerentrer et rencontrer d’autres sujets que papa et maman. »

« Ma crise d’ado j’aurais aimé la faire mais j’étais enfermée dans un carcan, je ne pouvais pas. »

«  La seule chose que j’ai faite adolescente, c’est de fuguer. Je suis partie six mois. Et j’avais 20 ans, je n’étais plus vraiment ado. »

« On parle de crise d’ado mais on peut aussi faire une crise  à 50 ans. A l’adolescence j’étais très sage, et j’essaie de casser cette image  aujourd’hui. C’est une sorte de rébellion tardive.»

« Je me souviens, petite, qu’on disait que mon voisin était fantastique car il n’avait pas fait de crise d’ado ! C’est bon, j’avais l’injonction. J’ai été bien sage. Par contre, j’ai fait une crise de la quarantaine assez costaud. »

Le Café Psy : « Cet état de crise est aussi un état fondateur. Nous avons tous besoin, à un moment de notre vie, d’être dans une recherche et une affirmation identitaire. Ce qui peut se traduire à l’adolescence, par de l’opposition aux parents, par de l’attaque et de l’agressivité. Si elle ne se vit pas à l’adolescence, elle peut se vivre après. Cette dynamique d’affirmation, de recherche d’autonomie, de différenciation est fondamentale. »

Le Café Psy : « La crise est nécessaire pour se constituer soi mais elle n’est pas forcément violente. Il y a des ados qui n’éprouvent pas le besoin de s’opposer. C’est sans doute aussi en lien avec la nature des relations avec les parents. Même sans violence, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de remaniements. Quand on  se trouve face à une grande violence de la crise, ça peut indiquer quelque chose de la dynamique familiale. »

Le Café Psy : « Chaque âge exige des remaniements. La fameuse crise de la quarantaine ressemble à la crise d’ado mais le temps n’est plus perçu de la même façon. Cela peut générer des bouleversements. Une autre raison de cette crise peut émerger suite à l’engagement dans une thérapie qui vient remanier beaucoup de choses dans le rapport à l’identité, à la famille…A un moment donné, cela peut ruer dans les brancards dans son entourage. »

« A l’adolescence, avec ma fille, ça a été très violent. Je l’ai élevée toute seule, on était isolées toutes les deux. Elle avait besoin de se confronter physiquement à moi. Ça en est venu aux mains. C’est horrible. On n’en a jamais reparlé. »

Les parents

« C’est important, les parents, à la période de l’adolescence. Avec mes enfants, j’ai fait ce que j’aurais aimé que l’on me fasse. »

« Moi j’étais parent à la place des parents. »

« Il me semble qu’à l’adolescence j’ai manqué de cadre. Je pouvais faire ce que je voulais en cachette et tout le monde faisait comme s’ils n’avaient rien vu. »

Le Café Psy : « Tout ce débordement pulsionnel nous donne les moyens physiques de mettre en action les pulsions agressives et sexuelles. S’il n’y a pas des parents qui viennent remettre du cadre, ça peut être angoissant. On voit des ados qui cherchent à voir jusqu’où ils peuvent aller pour qu’on leur mette des limites.  Quand l’adolescent réagit constamment par de l’arrogance ou de l’agressivité, il ne facilite pas la communication. Certains parents qui ont eu eux-mêmes de l’insécurité affective peuvent se retrouver complètement démunis face à leurs ados. »

Retour de l’oedipe

Le Café Psy : « Ce qui se passe lors de l’œdipe se rejoue à l’adolescence. L’adolescent a bien compris l’interdit de l’inceste et du meurtre et quand les pulsions sexuelles surgissent, c’est très effrayant. C’est là que les parents doivent respecter l’intimité des ados. Le passage à l’acte devient possible et c’est ça qui devient très angoissant. »

« Je me souviens dans une bijouterie à Longwy, ma mère  qui se tourne vers moi  et me dit : « On t’a blessé au cou ? » J’avais un suçon en fait. Je lui réponds : « Ah ouais je me suis fait mal ». Pour moi c’est ce souvenir qui me revient à propos du passage à l’acte. »

Le Café Psy: « C’est ça qui fait que l’œdipe se rejoue. Il faut à nouveau renoncer aux parents, de façon inconsciente. D’où la nécessité d’aller voir ailleurs et prendre son indépendance pour exprimer ses pulsions. »

Evolution générationnelle

« Quand je vois les adolescents aujourd’hui, c’est plein de points d’interrogations pour moi. Je me sens en décalage. Pourtant j’y suis passée aussi. »

« Mes enfants ont eu la sexualité qui est venue facilement à eux avec les vidéos, internet. De mon temps, ce n’était pas comme ça. »

« J’ai un neveu qui a 26 ans. Il n’a pas envie d’être adulte. A l’heure actuelle, l’adolescence a une espèce de traîne que je n’avais pas à son âge. »

« A mon époque, on n’avait pas les attentats, les tours qui dégringolent.  J’ai l’impression qu’aujourd’hui les ados sont moins protégés que moi. C’est peut-être pour cette raison qu’ils n’ont pas envie de sortir aussi vite du nid que nous. »

Le Café Psy : « Il existe une nuance entre vivre une vie d’adolescent et être adolescent. Le psychisme est différent. Aujourd’hui avec le contexte social, le chômage, les enfants vivent beaucoup plus longtemps chez leurs parents. Mais intérieurement, c’est différent. C’est aussi une question d’époque. Au 18ème  ou 19ème siècle, l’adolescence n’’existait pas, on passait de l’enfance et l’âge adulte. »

La belle époque ?

« Ma fille dit que l’adolescence a été la meilleure période de sa vie et qu’elle voudrait la revivre. »

« J’ai connu cette période au collège de filles où, à partir de la 4ème, les classes devenaient mixtes. C’était géant ! On était heureux d’être ensemble. »

« Pour moi heureusement qu’il y a eu cette sexualité très jeune et qui n’a pas été traumatisante, bien au contraire. J’ai eu de la chance. »

« Pour moi, l’adolescence c’est une période de ma vie où je ne reviendrai pour rien au monde. Quand j’y pense, je ne me sens pas bien.»

« A l’adolescence je me suis fait beaucoup de mal. Je me suis scarifiée et rasé les cheveux. Je me souviens de la balustrade. Qu’est-ce que j’avais envie de l’enjamber ! Donc, je m’en éloignais. Je pense que c’était aussi des appels au secours. »

Solitude

« Quand je pense à l’adolescence, je l’associe à la solitude. Je ne comprenais pas bien le corps qui changeait, les premières règles. Pour moi, il n’y avait personne. »

« J’ai eu mes premières règles très tard, ce qui m’a fait me sentir seule très longtemps parmi mes copines. Quand c’est arrivé, l’infirmière a appelé ma mère pour qu’elle vienne me chercher. Elle a refusé. Il a fallu que je rentre toute seule à la maison avec mon pantalon taché ! Une fois rentrée, ma mère m’a donné une boîte de tampons et m’a dit : « démerde-toi ». Moi qui pensais que ça allait créer du lien car elle attendait tellement ça… »

« Ado, mes parents étaient très absents. J’étais le petit dernier, mes sœurs étaient parties, donc j’étais seul. Mon père pour moi, il habitait sur Mars, donc je n’allais pas parler de sexualité avec lui. Je vivais dans une immense solitude existentielle. Heureusement il y avait Claude François et Renaud!(rires) »

« A l’adolescence, je souffrais de la solitude. Se sentir seule à l’âge de quinze ans c’est très effrayant. Alors qu’aujourd’hui, je la sollicite cette solitude. »

Le Café Psy : « Il y a des nuances entre la solitude et l’isolement. Quel que soit l’âge, sentir que l’on n’a pas de repères fiables, c’est toujours difficile. Certains ados sont très entourés par des bandes de copains. Il n’y a pas de solitude sur le papier et pourtant j’en ai reçu qui, malgré ça, ressentaient un profond sentiment de solitude. Ça fait quasiment partie du processus, de se sentir incompris. Ce qui est différent du fait d’être seul. »

Identifications

« J’ai vu des femmes beaucoup plus émancipées que moi à l’adolescence et je les enviais. Tout ce qui était en décalage par rapport à moi, ça me faisait envie. »

« J’ai 18 ans, et il n’y a encore pas longtemps, je mettais certaines personnes sur un piédestal et je construisais ma vie sur ce que me disait ces personnes. J’ai un peu saturé. Aujourd’hui je suis sur une nouvelle vague et j’ai envie de m’écouter moi. »

« A l’internat au lycée, j’avais envie d’être accepté des autres. J’avais une sorte de journal intime où j’écrivais que j’aimerais leur ressembler mais que je n’y arrivais pas. Je m’étais débrouillé pour que quelqu’un le lise. La personne qui l’a lu en a parlé aux autres et ils sont tous venus vers moi, c’était incroyable. C’était un vrai moment de réconciliation avec des personnes que je pensais inaccessibles.»

Le Café Psy : « C’est typiquement le conflit adolescent et le tiraillement identitaire. D’un seul coup, on a un sentiment d’appartenance et c’est essentiel à l’être humain et particulièrement à l’adolescence. On ne veut plus appartenir à sa famille et donc il faut bien trouver une « famille » ailleurs ».

« Quand j’étais au collège, je sentais déjà un décalage. J’écoutais déjà plus mes frères qui étaient beaucoup plus vieux que mes amis. Quand je suis venu sur Paris, avec les gens de la fac, je sentais une sorte de décalage au début, puis j’ai finalement trouvé des gens de mon âge avec qui partager. »

Le Café Psy : « C’est le propre de l’adolescence de se sentir en décalage avec les autres. L’ado est en décalage avec lui-même. »

Période de questionnements

« L’initiation se fait beaucoup à l’adolescence. »

« Pour moi l’adolescence c’était une recherche de la vérité, tout simplement. »

« Je me demande si c’est pas la seule période de notre vie où on s’est posé des questions. Un ado n’a pas forcément tort contre un adulte. Je pense que la parole et les interrogations des ados sont très importantes dans notre monde. »

« Je m’interroge parfois et j’espère que je ne n’ai pas complètement quitté l’adolescence dans ce qu’elle avait de plus instable et de moins conventionnel. »

« Moi j’attends toujours que les ado de maintenant s’expriment. »

Le Café Psy : « Il ne faut pas confondre les ados et les jeunes adultes. L’adolescence, telle qu’on en parle aujourd’hui, au sens psychanalytique, c’est vraiment comment la transformation du corps génère la transformation psychique et les angoisses qui les accompagnent. Après, ce qu’il se passe dans la jeunesse, ce n’est plus tout à fait la même chose. »

« Je ne crois pas que je me sois posée beaucoup de questions à l’adolescence, j’étais vraiment dans la sensation. Je me réfugiais aussi dans les livres et la rêverie. »

Jardin secret

« J’ai dormi jusqu’à mes douze ans dans la chambre de mes parents. Suite au départ de mon frère, j’ai eu ma chambre et j’ai pu fermer ma porte. J’ai apprécié ce moment d’intimité. »

« J’ai eu un journal intime pendant dix ans avec une clef planquée. Le jour où j’ai compris que ma mère le lisait, je me suis dit que ce n’était pas possible. »

Le Café Psy : «  Parfois les mères trouvent des journaux intimes qui, inconsciemment, ont été laissés là pour qu’on les trouve. Quand on veut vraiment cacher quelque chose, on sait comment faire… »

« Aujourd’hui, pour ma fille, son intimité c’est les réseaux, elle exprime tout dessus ! C’est dingue comme on est en décalage. Moi c’était cadenassé, enfermé. »

Le Café Psy : « Il est intéressant de voir ce que les ados révèlent et ne révèlent pas sur Facebook. Ils ne disent pas tout. Ca a le même caractère que les confidences entre copines lors des soirées pyjamas. Ce qu’ils ne maitrisent pas bien, c’est qui y a accès. »

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